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Dette douanière : rébellion à Riom pour l’interruption de la prescription ?

Transport - Douane
Affaires - Pénal des affaires
10/12/2020
Le point 3 de l’ex-article 221 du Code des douanes communautaire « ne prévoit nullement la possibilité d'une interruption de la prescription triennale » de la dette douanière, selon un arrêt de la cour d’appel de Riom du 24 novembre 2020. Pas si sûr…
À propos d’importation de marchandises des USA en France, un opérateur estime que la dette que lui réclame la Douane (qui remet en cause leur classement) est prescrite : en effet, selon lui, les opérations concernées ont été souscrites entre le 1er janvier 2009 et le 27 mai 2011 et le procès-verbal de la Douane qui lui notifie la dette est daté du 15 juin 2015 et donc postérieur au délai de trois ans fixé par le point 3 de l’ex-article 221 du Code des douanes communautaire alors applicable. Pour mémoire, ce point 3 de l’ex-article 221 du CDC alors applicable dispose : « La communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. Toutefois, lorsque c'est par suite d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives, que les autorités douanières n'ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits légalement dus, ladite communication est, dans la mesure prévue par les dispositions en vigueur, effectuée après l'expiration dudit délai de trois ans. »
 
En revanche, la Douane avance que le cours de la prescription de la dette douanière a été interrompu par 6 procès-verbaux entre 2011 et la notification de 2015.
 
Mais pour la cour d’appel de Riom, le point 3 de l’ex-article 221 du CDC reproduit ci-dessus « ne prévoit nullement la possibilité d'une interruption de la prescription triennale ». Autrement dit, les PV de la Douane n’ont pas d’effet interruptif sur la dette.
 
Remarques
Même si cette solution est favorable à l’opérateur, l’affirmation de la cour d’appel vient heurter frontalement les décisions de la Cour de cassation rendues encore en 2019 selon lesquelles la locution « dans les conditions prévues par les dispositions en vigueur » du point 3 de l’ex-article 221 opère « un renvoi au droit national pour le régime de la prescription de la dette douanière » et donc à l’article 354 du Code des douanes national qui prévoit l’interruption de la prescription par la notification d’un PV (Cass. com., 19 juin 2019, n° 17-12.976 ; voir notre actualité ; Cass. com., 4 déc. 2019, n° 17-23.701 ; voir notre actualité).
 
La cour d’appel conforte son affirmation ci-dessus avec le règlement n° 2988/95 du 18 décembre 1995 du Conseil relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, dont l’article 3, selon ce juge, ne prévoit pas non plus une telle possibilité d’interruption. Ce dernier article dispose en effet en son § 1 que le délai de prescription des poursuites est de quatre ans à partir de la réalisation de l'irrégularité mais que les réglementations sectorielles peuvent prévoir un délai inférieur qui ne saurait aller en deçà de trois ans. Et ce règlement, toujours selon cette cour, est « sans conteste » applicable en matière douanière en raison des termes généraux de son article 1.1 (« Aux fins de la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, est adoptée une réglementation générale relative à des contrôles homogènes et à des mesures et des sanctions administratives portant sur des irrégularités au regard du droit communautaire »). La cour d’appel conclut donc qu’« aucun texte du droit communautaire ne permet donc de retenir la possibilité de suspendre la prescription de trois ans édictée par l'article 221-3 » du CDC (le juge voulait sans doute ici conclure à l’impossibilité d’interrompre et non pas de suspendre).
 
Remarques
La démonstration de l’impossibilité d’interrompre la prescription via le § 1 de l’article 3 ci-dessus du règlement n° 2988/95 ne tient pas compte, selon nous, du § 3 de ce même article 3 qui envisage pourtant l’interruption : « La prescription des poursuites est interrompue par tout acte, porté à la connaissance de la personne en cause, émanant de l'autorité compétente et visant à l'instruction ou à la poursuite de l'irrégularité. Le délai de prescription court à nouveau à partir de chaque acte interruptif ».
 
Et avec le CDU ?
 
Avec le Code des douanes de l’Union, la solution du juge serait la même : s’agissant des éléments ci-dessus, l’article 103 du CDU reprend en substance ceux du point 3 de l’ex-article 221 du CDC ci-dessus.
 
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy transport, tome 2, n° 1402 et dans le Lamy droit pénal des affaires, n° 4565. La décision ici présentée est intégrée au premier numéro précité dans la version en ligne de son ouvrage sur Lamyline dans les 48 heures au maximum à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit