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La semaine du droit commercial

Affaires - Commercial
10/02/2020
Présentation des dispositifs des arrêts publiés au Bulletin civil de la Cour de cassation, en droit commercial, la semaine du 3 février 2020.
Local à usage commercial – QPC – plafond du loyer en renouvellement - calcul
« La société A D-Trezel est propriétaire d'un local à usage commercial donné à bail à Mme X, lequel a été renouvelé le 1er juillet 2016, après un précédent renouvellement le 16 septembre 2008.
Sur la demande de Mme X en fixation du prix du bail renouvelé au 1er juillet 2016 et sur la demande reconventionnelle de la société A D-Trezel tendant à ce que la loi du 18 juin 2014 et son décret d'application soient déclarés non applicables au contrat renouvelé, la cour d'appel a dit que les articles L. 145-16-1, L. 145-16-2, L. 145-40-1 et L. 145-40-2 du Code de commerce, issus de la loi du 18 juin 2014, l'article L. 145-34 du même code, tel que modifié par cette loi, et les articles 6 et 8 du décret du 3 novembre 2014 étaient applicables au bail renouvelé et a écarté le motif de déplafonnement tenant à la modification des obligations respectives des parties découlant de l'application des nouvelles dispositions légales et réglementaires.
 
A l'occasion du pourvoi formé contre cette décision, la société A D-Trezel a, par mémoires distincts, posé les deux questions prioritaires de constitutionnalité suivantes :
« 1/ Les dispositions des articles L. 145-16-1, L. 145-16-2, L. 145-40-1 et L. 145-40-2 du Code de commerce et de l'article L. 145-34 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, en ce qu'elles sont applicables aux contrats de bail commercial renouvelés postérieurement à leur entrée en vigueur, mais qui avaient initialement été conclus sous le régime antérieur, portent-elles à l'économie des contrats légalement conclus une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, en méconnaissance des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ? »
« 2/ a) Les dispositions du premier alinéa de l'article L. 145-34 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, en ce que, appliquées aux contrats de bail commercial renouvelés postérieurement à leur entrée en vigueur, mais qui avaient initialement été conclus sous le régime antérieur, elles conduisent à une modification de l'indice servant de base au calcul du plafond du loyer en renouvellement, portent-elles à l'économie des contrats légalement conclus une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, en méconnaissance des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du
26 août 1789 et méconnaissent-elles le droit de propriété, tel qu'il est protégé par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ?
b) Les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 145-34 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, en ce qu'elles sont applicables aux contrats de bail commercial renouvelés postérieurement à leur entrée en vigueur, mais qui avaient initialement été conclus sous le régime antérieur, portent-elles à l'économie des contrats légalement conclus une atteinte  disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi, en méconnaissance des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et méconnaissent-elles le droit de propriété, tel qu'il est protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ? »
 
Les dispositions contestées sont applicables au litige, qui porte tant sur l'application, au bail renouvelé, des articles L. 145-16-1, L. 145-16-2, L. 145-40-1, L. 145-40-2 du Code de commerce, issus de la loi du 18 juin 2014, et des modifications apportées par cette loi à l'article L. 145-34 du même Code que sur la fixation du loyer.
Elles n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Les questions posées, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.
 
Ces questions, en ce qu'elles invoquent une atteinte à l'économie des contrats légalement conclus, ne présentent pas un caractère sérieux.
D'abord, la règle selon laquelle le bail commercial est renouvelé aux clauses et conditions du bail expiré ne s'applique pas au loyer qui est fixé selon les dispositions des articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce. Les modifications apportées par la loi du 18 juin 2014 à ce dernier texte, relatives au calcul du prix du bail renouvelé en cas de plafonnement et à l'étalement de la hausse en cas de déplafonnement, appliquées aux baux renouvelés, ne créent donc aucune atteinte au droit au maintien des contrats légalement conclus.
Ensuite, la loi du 18 juin 2014 s'applique à tous les contrats conclus ou renouvelés après son entrée en vigueur, sous réserve des dispositions transitoires.
L'article L. 145-15 du Code de commerce prévoit que les clauses qui sont contraires aux dispositions visées par ce texte, dont certaines sont issues de la loi nouvelle, sont réputées non écrites.
Il en résulte que, les baux renouvelés sous l'empire de la loi du 18 juin 2014 devant respecter les prescriptions impératives prévues par le texte précité, des clauses du bail expiré qui étaient conformes au droit en vigueur avant la loi du 18 juin 2014, mais qui se heurtent désormais aux nouvelles dispositions d'ordre public, ne peuvent être maintenues dans les contrats renouvelés. Ainsi, par l'effet de la loi, le bail renouvelé peut ne pas l'être aux mêmes clauses et conditions que le bail précédent.
Mais, le bail renouvelé étant un nouveau contrat et non pas la prolongation du contrat précédent, l'application des nouvelles dispositions issues de la loi du 18 juin 2014 aux baux renouvelés ne porte pas d'atteinte aux contrats légalement conclus.
La question posée sur la constitutionnalité du premier alinéa de l'article L. 145-34 du Code de commerce au regard du droit de propriété ne présente pas, non plus, un caractère sérieux.
En effet, la suppression de l'indice trimestriel du coût de la construction publié par l'INSEE, remplacé par d'autres indices qui sont en meilleure adéquation avec l'objet des baux, pour la mise en œuvre du mécanisme légal de fixation du prix du bail renouvelé en cas de plafonnement, lequel ne cause ni atteinte ni dénaturation du droit de propriété du bailleur (3e Civ., 13 juillet 2011, QPC n° 11-11.072), ne porte pas atteinte à ce droit.
En revanche, la question posée sur la constitutionnalité du dernier alinéa de l'article L. 145-34 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014, présente un caractère sérieux en ce que ces dispositions, qui prévoient que le déplafonnement du loyer, en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du Code de commerce ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente, sont susceptibles de porter une atteinte disproportionnée au droit de propriété du bailleur.
En conséquence, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la partie de la seconde question qui porte sur la constitutionnalité du dernier alinéa de l'article L. 145-34 du Code de commerce au regard du droit de propriété ».
Cass. 3e civ., 6 fév. 2020, n° 19-19.503, P+B *
 
Bail commercial – clause d’indexation – variation indiciaire – distorsion prohibée
« Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 30 octobre 2018), le 16 avril 2007, la société FDL1 a donné à bail commercial à la société Speedy France un bâtiment à usage de bureaux à compter du 15 janvier 2008 pour une durée de neuf années et moyennant un loyer annuel de 220 000 euros hors taxes.
Se prévalant du caractère illicite de la clause d’indexation insérée au bail, la société locataire a saisi le tribunal aux fins de voir déclarer cette clause réputée non écrite et condamner la société bailleresse à restituer des sommes versées au titre de l’indexation.
 
Vu l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier :
En application de ce texte, est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, tel que le bail commercial, prévoyant la prise en compte, dans l’entier déroulement du contrat, d’une période de variation indiciaire supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision.
Pour la déclarer non écrite en son entier, l’arrêt retient que la clause d’indexation, applicable à la première révision, conduit à la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée écoulée depuis la prise d’effet du bail, de sorte qu’elle n’est pas conforme aux dispositions d’ordre public de l’article L. 112-1 du Code monétaire et financier.
En statuant ainsi, alors que seule la stipulation qui crée la distorsion prohibée est réputée non écrite, la cour d’appel, qui a constaté que la clause n’engendrait une telle distorsion que lors de la première révision, a violé le texte susvisé ».
Cass. 3e civ., 6 fév. 2020, n° 18-24.599, P+B+I *
  
*Le lien vers la référence documentaire sera actif à partir du 10 mars 2020
Source : Actualités du droit