Retour aux articles

Assistants vocaux et enceintes connectées, quels enjeux pour demain ?

Affaires - Droit économique
03/07/2019
En mai 2019, l’Hadopi et le CSA ont présenté une étude sur les assistants vocaux et enceintes connectées, prenant en considération l’impact de la voix sur l’offre, les usages culturels et médias. L’Arcep, l’Autorité de la concurrence et la CNIL se sont associées à ces travaux.

 Siri d’Apple, Google Assistant de Google, Alexa d’Amazon et Cortana de Microsoft sont les principaux assistants vocaux généralistes disponibles en France. Les assistants vocaux à destination du grand public sont accessibles sur des terminaux mobiles tels que les smartphones, tablettes et enceintes connectées. Ces dernières sont dédiées à la recherche d’information, aux pratiques culturelles, et à la domotique.

 
Un marché porteur ?

 En février 2019, un internaute français sur dix possédait au moins une enceinte connectée Google Home, Amazon Echo, ou Apple HomePod (soit environ six millions de consommateurs).

 L’étude dégage trois types de profils de consommateurs : le profil « domotique », pour lequel l’enceinte connectée participe à la « maison connectée » afin de contrôler les objets du domicile ; le profil « expérimentateur ludique » dont la logique est celle de la découverte et de l’expérimentation et enfin, le profil « contenu », dont les attentes sont basiques, précises et définies préalablement à l’achat (comme par exemple, l’écoute d’un titre musical).

 Pour l’heure, il faut souligner que « seulement 4 % des internautes non équipés auraient l’intention d’acheter une enceinte connectée en 2019 ».

Quatre grands enjeux, liés au développement des enceintes connectées et des assistants vocaux, ont en tout cas été révélés : le regain d’intérêt des consommateurs pour les plateformes culturelles et médias sonores ; l’existence d’intermédiaires puissants entre éditeurs et consommateurs, générant des interrogations sur la captation et la répartition de la valeur, notamment au détriment des éditeurs en bout de chaîne ; le recours généralisé aux accords commerciaux et le risque de concentration des acteurs et enfin les spécificités des enceintes connectées, en particulier l’absence d’écran, l’interaction vocale et la réponse unique, qui créent un risque d’enfermement dans la consommation de contenus.

 

L’avis de l’Autorité de la concurrence : un écosystème pas encore défini

Le marché est encore émergent mais déjà dominé par trois acteurs : Amazon, Google et Apple. Cela est dû à l’importance de nombreuses barrières à l’entrée liées notamment aux coûts de développement importants du système de reconnaissance vocale et de traitement du langage naturel. Ce qui ne veut pas dire que le marché ne peut être concurrentiel : il est encore émergent et les modèles économiques des différents opérateurs peuvent en outre favoriser une commercialisation de ces équipements à des prix relativement bas, l’essentiel des revenus pouvant être tiré de la vente de services annexes (abonnements, redevances). Par ailleurs, si le pouvoir de négociation des fabricants peut être significatif en amont vis-à-vis des annonceurs ou des fournisseurs de contenus, le contre-pouvoir de négociation des fournisseurs de contenus attractifs pourra également être significatif.

Côté diversité de l’offre, l’ouverture des écosystèmes peut apporter des avantages tant aux consommateurs, qui peuvent désirer combiner librement des appareils et services de fabricants différents, qu’aux fournisseurs de contenus qui peuvent alors accéder à une plus grande clientèle. Il faut néanmoins empêcher que l’offreur d’un produit ou d’un service ne favorise ses propres produits ou services complémentaires au détriment des services concurrents ou ne désavantage sans justifications certains produits ou services. Ce risque d’une concurrence faussée est particulièrement significatif lorsque l’entreprise décidant des conditions de référencement ou de classement occupe une position dominante sur le marché. À l’inverse, le fonctionnement normal de la concurrence pourra aussi se révéler suffisant pour protéger la liberté de choix du consommateur ou pour dissuader les fabricants de matériel de la limiter.

 

L’avis de l’ARCEP : la nécessité d’étendre la neutralité d’Internet aux terminaux

En dehors des réseaux d’accès, d'autres intermédiaires ont le pouvoir de limiter la capacité des utilisateurs à accéder aux contenus et services de leur choix sur Internet. C'est le cas des terminaux (smartphones, tablettes, enceintes connectées), de leurs systèmes d'exploitation et de leur magasin d'applications, contrôlés par un nombre réduit d'acteurs économiques. Ces acteurs, souvent verticalement intégrés, peuvent alors être incités à promouvoir les offres de services et de contenus de leurs propres éditeurs. Or, si certaines de ces limitations peuvent se justifier pour des raisons d'ergonomie, de sécurité ou d'innovation, d'autres restreignent artificiellement l'accès à Internet. Ces éléments laissent entrevoir un risque de limitation.


L’avis de la CNIL : assistants vocaux, la vie privée sous écoute

La CNIL a identifié trois points de vigilance relatifs à la protection de la vie privée :

la confidentialité des échanges : en veille permanente, les assistants vocaux peuvent s’activer et enregistrer inopinément une conversation dès lors qu’ils supposent avoir détecté le mot-clé ;

l’absence d’écran : le propre des assistants vocaux est d’offrir une interface homme-machine ne reposant sur aucun support visuel, donc sans aperçu des traces enregistrées ;

la monétisation de l’intime : les appareils dotés d’un assistant à commande vocale se retrouvent aujourd’hui au cœur du foyer. C’est tout le profil publicitaire des consommateurs qui est ainsi alimenté par les données captées au quotidien.

 

Selon l’étude, la création d’un agrégateur français ou européen alternatif pourrait permettre de rééquilibrer les rapports de force entre les acteurs locaux et les acteurs internationaux.

Source : Actualités du droit